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SCÈNES DE LA VIE CONJUGALE avec Romain Fabre — #CERCLETP

SCÈNES DE LA VIE CONJUGALE

Le  Cercle des Tigres Penseurs
s’est réuni le vendredi 12 avril 2019, au Théâtre de Quat’Sous.

Accompagnés du scénographe Romain Fabre,
les participants ont assisté au spectacle

Scènes de la vie conjugale.

Un spectacle conçu à partir de la série télévisée d’Ingmar Bergman
dans une adaptation et une mise en scène de James Hyndman.

 

Voici quelques-uns de leurs commentaires.

 

 

— Réflexions sur le métier de scénographe par Romain Fabre —

C’est un métier où il faut communiquer et imaginer ce qui prendra forme et deviendra réel. On se situe entre le rêveur qu’est le metteur en scène et la réalité. On doit bien sûr composer avec l’argent dont on dispose, mais aussi avec matériaux qui ont leur réalité et leurs limites, et avec les gens qui construisent les décors et fabriquent les costumes. Cela exige toute une discussion autour du réel et de l’imaginaire de chacun.
Et lorsque l’on entre sur la scène, on doit encore se remettre à l’ouvrage. Parmi les moments clés, il y a celui où les interprètes se mettent à habiter leur costume, à y trouver leur place, leur personnage, et à se situer dans l’espace. S’ajoute à cela tout l’aspect technique, dont les enjeux de sécurité et l’éclairage qui modifie comment on se sent dans l’espace. Souvent, on doit poursuivre le travail, cela fait partie du processus de création.
J’essaie de créer à partir de la salle, de ses défauts. Il faut vivre avec eux et non les combattre. J’essaie de deviner ce qui se passera dans l’espace pour tracer des lignes de tensions. Quelques marches, par exemple, peuvent faire traverser le regard en diagonale et ainsi, aident à situer des personnages qui se détestent.
Il y a aussi ce qu’on appelle le 4ième mur, cet espace qui nous distancie des acteurs.
Par exemple, dans Des souris et des hommes, j’ai créé une passerelle qui a permis au metteur en scène de l’utiliser autant pour des transitions que pour donner l’impression que l’acteur s’avance vers le public. Pour ce décor, j’ai aussi développé une sensation tactile, à la fois pour les acteurs et pour le public, en bâtissant le tout en vrai bois. Quand les acteurs marchaient dans l’espace, cela sonnait vrai.
C’est un métier qui procure à la fois un certain plaisir narcissique à voir prendre vie ce qu’on a imaginé, mais qui est aussi impensable sans un dialogue avec l’équipe.
 

— SUR LE LIEU ET L’ÉPOQUE —

L’incommunicabilité arrivée à un tel paroxysme
me semble particulièrement propre aux pays comme la Norvège ou la Suède,
des pays où tout en principe est parfait et en avance sur tout le monde socialement.
Les gens me paraissent parfaitement désespérés en essayant de ne pas l’être.
On retrouve cela dans leur littérature, leurs séries télévisuelles…
— Robert Lalonde, auteur et écrivain

 

Ayant travaillé dans ces pays, j’ai fait le même constat.
Les gens deviennent très différents
quand ils se retrouvent en Espagne où dans un autre pays latin.
Par contre, l’universalité du drame de couple
ne me parait pas à côté de la traque.
— Larry K, entrepreneur.

 

C’est brillant, profond, mais lourd, comme leurs séries télés et leurs films.
Je n’arrive jamais à me rendre jusqu’au bout.
Ce sont aussi des pays où la violence familiale est très élevée.
— Gérard T, avocat et fonctionnaire à la retraite

On sent les années 70,
où la femme est dans ses sentiments
et l’homme dans l’intellectuel.
C’est quelque peu genré,
mais toujours d’actualité et puissant.
— Chantal St-A, consultante marketing
C’était une époque révolutionnaire pour le féminisme.
Une femme qui n’exprime pas ses sentiments
et un homme comme ça,
moi, je n’endurerais pas ça.
Je crois que ça a changé.
— Gabrielle D, chercheuse de trésors
 

J’aimerais bien croire que ça a changé,
mais ayant travaillé en condition féminine, c’est encore trop courant.
La femme a été éduquée à mettre de l’eau dans son vin et elle le fait encore.
— Myriam De B, traductrice

 

Ce que je trouve de très moderne, c’est que c’est moins la pression sociale,
mais ce que les personnages veulent pour eux-mêmes qui est au cœur de la pièce.
Ce que je trouve vieillot, c’est le non attachement de l’homme à ses enfants.
— Jonathan B, directeur des finances

 

— AU SUJET DU COUPLE —

Bien que ce soit l’histoire d’un couple, et donc propre à deux individus,
les sentiments exposés sont extrêmement humains
et par le fait même, à mes yeux, universels.
— Jonathan B, directeur des finances

J’ai de la difficulté avec le fait
que rien n’existe d’autre que cette relation de couple.
— Robert Lalonde, auteur et comédien

On ne vit plus comme ça.
Les couples d’aujourd’hui, on voit des amis sans le conjoint,
on a des activités des amitiés sans impliquer le conjoint.
C’est important et ressourçant.
— Mélanie H, directrice des finances de production

Il y a des moments où on ne peut plus se supporter,
alors on prend nos distances puis on revient.
Aussi, je ne crois pas du tout qu’on puisse tout se dire,
on a des secrets qu’on ne partage pas.
— Myriam De B, traductrice

Le rapport avec la solitude est présent.
Si on n’est pas bien avec soi-même,
on ne peut pas être bien avec l’autre.
— Gérard T, avocat et fonctionnaire à la retraite

 
Il dit d’ailleurs qu’on est toujours seul.
La modernité, je l’ai sentie dans le fait qu’au début,
c’est ce que pense la mère de l’un ou de l’autre,
et finalement, ils se séparent pour se trouver eux-mêmes.
Avant, on restait ensemble pour les enfants.
Maintenant, je vois autour de moi des couples qui ont un enfant
et se séparent même après 6 mois.
— Romain Fabre, scénographe.
 

Est-ce qu’on est capable de rejoindre quelqu’un par la transparence ?
Sinon ça devient très souffrant à cause de cette part de ce qu’on dissimule.
Est-ce qu’on demande trop à l’autre ?
Est-ce qu’on a plus besoin de l’amour lui-même que de l’autre ?
— Robert Lalonde, auteur et comédien

 

Je le constate tout autour de moi, les gens ne se connaissent pas.
Mais le couple peut être un chemin pour se connaître.
Même avec les batailles et les barrages à traverser, un couple peut expérimenter
et résoudre des conflits qui mènent à la connaissance de soi et de l’autre.
— Garwood J-G, courtier immobilier

La pièce présente un couple immature
qui n’a pas fait le devoir de bien se connaître.
Mais c’est du travail agréable que de réussir un couple.
— Larry K, entrepreneur
Il faut une indépendance plus grande des personnes,
et plus d’existence personnelle pour réussir un couple.
— Jonathan B, directeur des finances

J’ai visité la résidence de Dali,
et j’ai été très intéressé par le fait que sa conjointe
avait des pièces juste à elle, où Dali n’avait pas accès.
— Romain Fabre, scénographe

Est-ce vraiment une relation d’amitié qui semble être présentée à la fin ?
Je n’y crois pas. Il y demeure un côté acharné,
peut-être de l’attachement mais aussi un peu de possessivité.
— Gabrielle D, chercheuse de trésors

Quand on se compare, on se console.
Sur bien des aspects, j’étais content de voir
que je ne suis pas aussi malheureux.
Personne ne sait ce que la vie nous réserve.
— Olivier L, chargé de projets

 

— À PROPOS DES PERSONNAGES —

Une spécialiste américaine a fait une étude à travers divers milieux,
et elle a conclu que l’homme est coincé par les modèles de l’homme américain.
Le personnage de la pièce est « stif » aussi. Il me semble que c’est moins pertinent.
— Robert Lalonde, auteur et comédien

Il trompe tout le temps quelqu’un.
Il veut une mère, puis il veut une amante.
— Mélanie H, directrice des finances de production

Il est encore un petit garçon
attiré par des femmes un instant maternelles,
un instant maitresse.
— Garwood J-G, courtier immobilier

 

— SUR LE BESOIN DE SÉCURITÉ —

La pièce met en scène l’explosion de la complexité des rapports humains.
Elle parle aussi du dilemme entre liberté et sécurité,
et explore la définition même de ces concepts.
— Gérard T, avocat et fonctionnaire à la retraite
 

J’ai compris que l’on ne voulait pas me raconter une histoire,
mais qu’on tentait de me faire ressentir une souffrance qui est universelle,
sans qu’on s’identifie trop aux personnages.
— Jonathan B, directeur des finances

 
J’ai une amie qui m’a fait réfléchir.
Elle savait que sa relation avec la personne qu’elle aime serait compliquée.
Elle voyait cela plus comme une aventure plutôt que le confort.
Comme dans la pièce, elle veut vivre sa vie jusqu’au bout.
Elle ne veut pas refuser la douleur, elle veut la vivre en face.
Comme elle l’affirme : je l’aime avec les hauts et les bas.
— Romain Fabre, scénographe
 

On souffre trop de ce désir de confort pour vivre la passion.
Pourtant, je suis persuadé qu’il y a en nous
un profond désir d’aller à l’envers du confort
où il y a quelque chose d’organique et une jouissance.
— Robert Lalonde, auteur et comédien

 

— À PROPOS DE L’INTERPRÉTATION —

Evelyne est très bonne.
Sa voix casse sous l’émotion à certains moments,
tout en livrant le texte de façon claire. Chapeau !
— Tou·t·e·s les participant·e·s sont d’accord.

Ce sont des grands interprètes
avec des voix exceptionnelles dont tous deux savent bien se servir.
— Robert Lalonde, auteur et comédien
 

La complicité entre les deux interprètes est vraiment remarquable,
surtout lors des scènes qui se déroulent à l’arrière ou sur le côté.
— Tou·t·e·s les participant·e·s sont d’accord.

 

— AU SUJET DU DÉCOR —

Le décor blanc et froid contraste avec l’arrière plus chaud.
— Myriam De B, traductrice

Je me suis interrogé sur le cadre.
Peut-être, cela permet une certaine pudeur quant à la représentation de la douleur.
Le cadre peut aussi nous placer en position de voyeur.
La musique n’est en rien une pause au contraire, elle appuie sur la lourdeur ;
alors le fait qu’ils passent à l’arrière et qu’on les voit par le trucage caméra
et qu’ils ne sont plus tout à fait les personnages,
cela permet une certaine pause.
C’est très intéressant
de retrouver la complicité entre les interprètes.
— Romain Fabre, scénographe.

 
 
Photo : Yanick Macdonald