APRÈS – En compagnie de Benoît McGinnis
Ce mardi 23 février, à 18 h, Benoît McGinnis accueillait nos participants du Cercle des tigres penseurs au Théâtre d’Aujourd’hui , pour voir Après.
Cette nouvelle création de Serge Boucher, dans une mise en scène de René Richard Cyr, débutait cette semaine. La distribution réunissait Maude Guérin et Étienne Pilon.
« Je reste avec un arrière-goût malsain; je crois que l’on peut croire qu’il y a une certaine apologie pour le tueur. La scène de la description de la mort des enfants m’a laissé un arrière-goût, un malaise. C’est aussi , ce malaise que j’ai ressenti tout au long lorsque l’infirmière se rapproche de plus en plus. On a tendance à faire comme elle, et la mise en scène est très bien pensée pour ça. C’est comme s’il y avait une petite voix qui nous dit de ne pas sympathiser, et une grande voix qui nous dit d’accepter ça. »
K. Laurier, informaticien
« Je n’ai pas senti sa culpabilité , il ne regrette pas ses gestes. Il a plus d’amour pour son chien que pour ses enfants. Je n’ai éprouvé aucune sympathie pour lui. »
L. LeBlanc analyste d’affaires
« Moi, j’ai pensé que lorsqu’il se sentait mal il détournait ça sur son chien »
K. Laurier, informaticien
« L’auteur en essayant de complexifier la situation, fait en sorte qu’on peut donner plus de sympathie au meurtrier,surtout à la fin ,où pourtant ce qu’il donne est pour se satisfaire lui. »
K. Laurier, informaticien
« Les deux sont très seuls. »
Benoît McGinnis, comédien
« Leur rencontre est malsaine à long terme. Elle s’illusionne. Ça me ramène à quelque chose que je viens de vivre dans ma vie où quelqu’un de proche s’est fait prendre dans un jeu semblable. »
K. Laurier, informaticien
« C’est l’histoire de l’infirmière qui pour moi est le centre émotif de la pièce; le personnage est d’une immense solitude, c’est dans cet aspect de la pièce où l’auteur est le plus créatif. »
Tous approuvent
L. LeBlanc, analyste d’affaires
« Dès le début , avec le silence, les noirs , le son … Tout renforce la solitude. »
K. Laurier, informaticien
« La nôtre aussi, et le cri devient insupportable dans le noir… »
K. Nantel, enseignante
« L’évolution, malheureusement prévisible de cette femme, cet aspect obligé d’évoluer vers cette sympathie;c’est ça qui me rend mitigé face à la pièce… »
K. Laurier, informaticien
« C’est intéressant de voir comment le sentiment qu’on a pour quelqu’un peut prendre le dessus. Pourtant, c’est évident qu’elle ne peut pas avoir une relation à long terme avec lui, qui est incapable d’accepter qu’une personne ait une vie à elle. »
Robert Lalonde, comédien et auteur
« Moi, là où je travaille, en prison, ça nous arrive qu’il y ait quelqu’un comme ça, qui veut devenir notre ami quand il va sortir… C’est normal, on passe beaucoup d’heures avec eux, on voit le côté humain de la personne. On peut finir par être proche . Moi, je préfère ne pas savoir ce qu’ils ont fait. Je sais que s’ils sont là, c’est qu’ils ont fait quelque chose de grave. Je ne crois pas que professionnellement ni autrement,on devrait être ami après. C’est délicat et complexe… »
L Miville, agence de sécurité dans des pénitenciers.
« C’est intéressant ce que tu apportes, c’est comme si ton travail te protège d’aller plus loin dans ce qu’ils ont fait, ça te permet d’être, peut-être, plus proche pendant le travail, comme ici l’infirmière »
Benoît McGinnis, comédien
« Pourquoi moi, dans la vie, à ce moment-ci, je ne veux pas écouter ce genre de nouvelles, comme celle de Turcotte? Pourquoi ne veut-on pas aller là. Je comprends qu’il y ait des gens qui ne veulent pas entendre parler de ça. Mais pourquoi ne veut-on pas aller là dedans? On a le droit, c’est certain, mais… On ne veut pas pardonner,peut-être! On a peur de voir que l’on pourrait tous faire aussi des choses absurdes… »
Benoît McGinnis, comédien
« On ne veut pas être sollicité à pardonner. On ne veut pas non plus accepter qu’on puisse tous faire ça.
Comment penser à des notions de pardon, en pensant que nous on pourrait faire ça…
Sans pourtant que ce soit explicable,acceptable. On est pas toujours obligé de passer par le pardon.
Il y a des choses absurdes dans la vie. Et tout le monde se précipite à essayer de comprendre. »
Robert Lalonde, comédien et écrivain
« Des personnalités antisociales, il y en a . Dans la vie et dans l’humain, il y a des zones de gris et même des zones obscures extrêmes que les gens ne se représentent même pas. Pourquoi on a de la difficulté à voir cette réalité. »
K. Laurier, informaticien
« Les gens semblent de plus en plus dans le désarroi, veulent tout expliquer,décortiquer ce qui est inexplicable. Sur la scène publique, on cherche le noeud de cette affaire là. Mais au théâtre, il n’y a pas de réponse. Il y a des spectateurs qui sont aussi dans le désarroi après une pièce, ils voudraient qu’on leur dise quoi faire. »
Robert Lalonde, comédien et écrivain.
« Comme l’infirmière.
It is what it is, comme on dit en anglais. »
K. Laurier, informaticien
« Penser que n’importe qui puisse tuer son enfant , moi je continue à ne pas comprendre qu’on aille jusque-là »
L. LeBlanc, analyste d’affaires
« Ici, comme dans la vie, ça dépend à qui ça va faire mal, dans la pièce ce n’était pas aux enfants à qui ils pensaient le plus. »
L. Miville, agente de sécurité dans des pénitenciers
« Dans la vie, on manque tous de limites! Et cela, dans toutes les sphères de notre vie, on peut se voir dépasser les limites. Que ce soit en buvant trop, ou tout à coup, en frappant quelqu’un, et pourtant on ne pense pas être violent et ce n’est pas dans notre façon de réagir habituellement. On a aussi une petite voix dans ce temps-là qui te dit que tu dépasses les limites, mais on continue… »
Benoît McGinnis, comédien
« C’est comme peser sur le gaz, tu le sais que tu dépasses la limite, que c’est dangereux, que tu peux te faire arrêter ,tu peux avoir un accident. Mais tu le fais pareil. »
L. Miville, agente de sécurité dans des pénitenciers
« Même le décor, fait en sorte que personne ne peut entrer dans ce monde absurde…
Moi aussi je n’arrive pas à comprendre que l’on puisse tuer ses enfants…On est piégés par la mise en scène, obligés à écouter. C’est très conçu pour ça. Comme l’infirmière, on est pris à l’écouter. »
K. Nantel, enseignante
« Cette pièce a toujours 2 plans: le premier plan, par exemple, où il semble, par un geste, être gentil. Il n’a pas l’air si méchant que ça; puis, en arrière-plan, il y a un côté où il ne veut qu’assouvir son propre désir en profitant du besoin de l’autre. C’est ça qui est malsain. C’est ça le danger d’incompréhension de la pièce, qui peut avoir l’air de faire l’apologie du tueur, même si ce n’est pas ce que je crois que la pièce vise. »
K. Laurier, informaticien
« En ce moment, on dirait que c’est comme s’il fallait tout accepter: la corruption, le meurtre, la folie, la religion… »
Robert Lalonde, comédien et écrivain
« Je crois que nous sommes rendus trop loin au Québec, tout n’est pas acceptable . C’est comme la loi du balancier qui va trop d’un côté puis trop de l’autre. Ce n’est pas mieux de vouloir absolument tout expliquer, comprendre tout, tout excuser. En fin de compte , on ne sait pas quoi faire devant toute cette ambiguïté-là. »
L. LeBlanc, analyste d’affaires
« Ce qui est très particulier chez ce genre d’individus là, c’est l’incapacité d’être crédible même s’ils se croient quand ils racontent leurs vérités et sincérités variables. On ne peut pas croire à leur sincérité. Et c’est très difficile à jouer pour un acteur, car on doit toujours, nous les acteurs, nous appuyer sur un aspect vrai du personnage. On doit savoir quand on est vrai.
Ça doit être très difficile à jouer pour Étienne, de même que pour Maude qui est toujours aussi excellente, mais qu’on voit moins souvent dans un rôle aussi retenu et dont le dédain évident du personnage au début va changer en cours de route. »
Les acteurs sont d’autant plus formidables.
Robert Lalonde, comédien et écrivain
« C’est surprenant et tellement extraordinaire de voir Maude qui est si lumineuse dans la vie et extravagante dans d’autres rôles. C’est dur à jouer pour des acteurs une pièce comme ça, un sujet comme ça, c’est lourd pour les acteurs, parce que tu dois porter la pièce sur tes épaules et en plus, tout en retenue,comme le metteur en scène l’a voulu. Ils sont tous les deux extraordinaires. »
Benoît McGinnis, comédien. Tous approuvent
« La mise en scène est très bien aussi. On est piégé par la pièce , avec toute la conception des éclairages, du lieu, de la façon qu’ils entrent dans la chambre, le son, les tableaux avec les changements au noir…
C’est difficile de se lever après pour ovationner. Le public a applaudi très sincèrement et longtemps, mais on ne peut pas, avec le sujet, crier bravo, on est comme sous le choc. »
K. Nantel, enseignante